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17 juin 2022

Mai 2022 : Les décisions marquantes

► Urbanisme. Permis de construire. Loi Littoral. Bâtiment affecté à un service public

► Urbanisme. Permis de construire. Recours des tiers. Règles de recevabilité

► Urbanisme. Permis de construire de régularisation sur construction existante

Urbanisme. Permis de construire. Loi Littoral. Bâtiment affecté à un service public  

> lire le jugement N°2002069 du 20 mai 2022

Outre quelques questions de procédure abordées dans le déroulé du jugement (traitement de l’exception d’illégalité d’un document de planification soulevé à l’encontre d’un permis délivré sous l’empire d’un document postérieur, recevabilité d’un moyen soulevé après cristallisation du débat contentieux), ce dernier permet d’illustrer le régime applicable aux constructions projetées dans la bande littorale des 100 mètres et dédiées à des missions de service public exigeant la proximité immédiate de l’eau.

Les dispositions combinées des articles L. 121-16 et 121-17 du code de l’urbanisme qui permettent de déroger, dans ce cas, au principe d’interdiction de toute construction dans la bande littorale ont fait l’objet d’une application positive en l’espèce pour la construction d’une maison de sauvetage comportant une base de vie pour les sauveteurs en mer.

Le tribunal a toutefois rappelé que ces dispositions dérogatoires n’impliquaient pas que ces constructions échappent à la règle énoncée à l’article L. 121-8 du même code limitant, en substance, la constructibilité en zone littorale aux espaces déjà bâtis et a procédé à la vérification de ce que cette règle était bien respectée en l’espèce.  

Urbanisme. Permis de construire. Recours des tiers. Règles de recevabilité 

> lire le jugement N°2001906 du 20 mai 2022

Le présent jugement offre un échantillonnage intéressant de la combinaison des différentes règles de recevabilité mises en place par le législateur et la jurisprudence avec pour vocation affichée de limiter le recours des tiers dirigés contre les permis de construire.

On sait déjà que l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme oblige les tiers à notifier dans les quinze jours, à peine d’irrecevabilité, les recours administratifs et contentieux qu’il exerce contre un permis, tant à l’autorité qui a délivré ce dernier qu’à la personne qui l’a obtenu (le pétitionnaire).

Par ailleurs, si le délai de recours contentieux ouvert aux tiers pour contester un permis de construire court, en principe, à compter des formalités d’affichage, la jurisprudence admet que l’exercice par un tiers d’un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) vaut connaissance acquise de la décision et interrompt le délai de recours contentieux (si les formalités de l’article R. 600-1 ont été respectées), en revanche, la décision rejetant ce recours administratif fait repartir le délai dès la date de sa notification à ce tiers , même si cette notification ne comporte pas la mention des délais et voies de recours telle qu’elle est, en général exigée par l’article L. 421-5 du code de justice administrative. Le Conseil d’Etat a, en effet, depuis 2004, estimé que ces dispositions ne s’appliquaient pas aux décisions statuant sur les recours des tiers formés contre des autorisations individuelles créant des droits au profit de leurs bénéficiaires (comme un permis de construire).

Il est donc possible que le tiers auteur du recours administratif n’ait jamais eu formellement connaissance des délais et voies de recours puisqu’en exerçant ce recours, il manifeste qu’il a connaissance de cette faculté, et que la décision qui le rejette peut ne pas comporter cette information, tout en faisant néanmoins repartir le délai : c’est précisément ce qui a conduit le tribunal, dans l’affaire ici traitée, à déclarer tardives les conclusions présentées par  une société civile immobilière gérant une propriété contre le permis de construire délivré à la propriétaire d’un fonds voisin.

Cette tardiveté opposée aux conclusions dirigées contre le permis initial a également eu, en l’espèce, des répercussions s’agissant de la contestation par le même requérant, d’un permis modificatif accordé, deux années après, à la pétitionnaire.

D’abord, parce même si ce permis modificatif est intervenu peu avant la période de confinement sanitaire, marquée par le dispositif de prorogation générale des délais de procédure, institué par l’ordonnance du 25 mars 2020, son intervention n’a pas eu pour effet de rouvrir le délai de recours contre le permis initial et le requérant ne pouvait donc prétendre bénéficier du régime de prorogation prévu par l’ordonnance. 

Ensuite et surtout, parce que l’intérêt à agir, étroitement bridé pour les tiers par l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme, ne s’appréciait, dans ce cas, qu’au regard de seules modifications apportées par le permis modificatif et non par rapport à l’ensemble du projet autorisé par le permis initial.

Ainsi, alors même qu’en tant que voisin immédiat, l’impact de la nouvelle construction sur ses conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien aurait pu lui donner un intérêt à contester le permis initial, les modifications mineures apportées au projet par le second permis ont été regardées comme n’ayant pas, par elles-mêmes, un impact suffisant sur ces conditions telles qu’appréciées à la date du permis modificatif.     

 Urbanisme. Permis de construire de régularisation sur construction existante 

> lire le jugement N°2002117 du 20 mai 2022

Le temps qui passe ne couvre pas toujours, loin s’en faut, l’irrégularité de la réalisation d’une construction sans autorisation.

La prescription de dix ans énoncée à l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme ne bénéficie en effet qu’à ceux qui ont obtenu le permis qui était requis mais n’aurait pas dû être délivré parce que la construction n’était pas alors conforme aux règles d’urbanisme applicables : si une telle irrégularité ne peut en effet plus être opposée, après ce délai, à une demande ultérieure de permis tendant à modifier cette construction, en revanche, c’est un refus de permis modificatif qui doit être opposé, sans condition de délai, lorsque la construction a été édifiée sans aucun permis ni aucune autorisation, sauf à ce que le pétitionnaire présente une demande portant cette fois sur l’ensemble de la construction, y compris celle qui existe déjà.

Le présent jugement offre une illustration particulièrement pédagogique de la manière dont le juge procède pour vérifier qu’une construction a ou non été délivrée sans l’autorisation qui pouvait avoir alors été nécessaire à cette date, ce qui peut le conduire à envisager l’affaire dans une perspective quasiment historique (lois du 15 juin 1943 et du 3 janvier 1969, code de l’urbanisme dans ses versions successives).

Une fois que cette analyse a mis en évidence le caractère irrégulier de la construction sans autorisation, c’est au regard des règles d’urbanisme existantes à la date de la demande de permis que l’autorité compétente doit se prononcer  pour apprécier la légalité du permis portant sur l’ensemble du bâtiment : inutile de gloser longuement sur le fait que des constructions ainsi édifiées sans autorisation dans ce qui est, depuis lors, devenue la bande littorale inconstructible de l’article L.121-8 du code de l’urbanisme, ne pourront généralement faire l’objet d’aucun permis de régularisation.   

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