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18 août 2023

Juin-juillet 2023 : Les décisions marquantes

► Urbanisme. Permis de construire. Respect des règles techniques de constructibilité

► Responsabilité contractuelle. Obligations de la personne publique bénéficiaire d’une servitude d’affectation à l’usage du public

► Procédure. Pouvoirs d’instruction du juge. Secrets protégés par la loi

► Occupation conventionnelle du domaine public. Résiliation motivée pour des motifs d’ordre public. Clubs sportifs

► Contrats administratifs. Incidence d’une procédure collective touchant le cocontractant

► Accès aux services publics. Transports scolaires

► Actes administratifs. Compétence. Délégations de signature

Urbanisme. Permis de construire. Respect des règles techniques de constructibilité

> Lire le jugement N° 213809-3810 du 2 juin 2023

Ce jugement rend compte de la grande complexité des règles d’urbanisme que les permis de construire ont vocation à faire respecter et, par suite, des contraintes qui pèsent sur le juge administratif en charge, lorsqu’il est saisi par des tiers y ayant intérêt, d’apprécier la légalité de ces autorisations, surtout lorsque, comme en l’espèce, le bénéficiaire du permis le fait régulariser en cours de procédure, obligeant le tribunal à remettre son ouvrage sur le métier.

Entre autres questions à trancher figurait celle de l’appréciation du respect des règles prévoyant, s’agissant d’un projet de création d’un immeuble de sept logements, des places de stationnement selon des modalités très précises à savoir un garage souterrain ou couvert par une toiture végétalisée, sauf impossibilité technique. Dans la mesure où le projet, en sa deuxième mouture, s’écartait précisément de cette prescription, il fallait en effet que puisse être caractérisée une telle impossibilité technique : le tribunal après s’être livré à une analyse rigoureuse des éléments d’ordre géologique en particulier, qui lui ont été fournis, a admis son existence et a donc écarté le moyen tiré de ce que cette règle avait été méconnue.

Responsabilité contractuelle. Obligations de la personne publique bénéficiaire d’une servitude d’affectation à l’usage du public 

> Lire le jugement N° 1801222 du 12 juin 2023

L’aménagement du quartier du Colombier à Rennes, dans les années 1960-70, a impliqué la mise au point d’un montage juridique prévoyant qu’une vaste dalle bétonnée formant la couverture de 373 garages situés en sous-sol et relevant des parties communes d’une copropriété privée, supporte gratuitement une servitude conventionnelle au profit de la ville de Rennes, qui souhaitait l’affecter à l’usage du public dont elle facilitait les cheminements dans cette zone.

La convention de servitude stipulait néanmoins à la charge de la ville une obligation d’entretien dont il est apparu, plus de quarante années après, qu’elle impliquait qu’elle prenne en charge les conséquences dommageables des graves désordres imputables aux infiltrations d’eaux de pluie dans les garages.

A l’issue d’une très longue procédure impliquant l’organisation d’une expertise complexe, le tribunal a donc retenu la responsabilité de la ville de Rennes, condamnée à verser au syndicat des copropriétaires une lourde indemnité destinée à couvrir le montant de la réfection de l’ensemble de la dalle.

Procédure. Pouvoirs d’instruction du juge. Secrets protégés par la loi  

> Lire le jugement N° 2001181 du 15 juin 2023

Il ne peut être discuté que certains fonctionnaires de police dont les domaines d’intervention impliquent qu’ils aient accès à des informations sensibles se voient contraints d’obtenir, de la part du Gouvernement, une habilitation « secret défense » dont la délivrance, prévue à l’article 413-9 du code pénal ainsi qu’aux articles L. 2311-1, R. 2311-5 et suivants du code de la défense, obéit à de très strictes conditions et vérifications tenant notamment à l’environnement personnel, social ou professionnel des intéressés. 

Le régime juridique des décisions relatives à cette délivrance et, parallèlement, au refus de délivrance ou, s’agissant d’une habilitation déjà obtenue, à son non renouvellement ou à son retrait d’une habilitation, a nécessairement été adapté à leur nature particulière qui permet, par exemple, à l’administration de déroger à l’obligation de motivation des décisions individuelles défavorables à laquelle elle est normalement astreinte.

Certes,  depuis le célèbre arrêt du Conseil d’Etat « Barel » du 28 mai 1954, il appartient à l’administration de satisfaire aux demandes du juge administratif de lui fournir tous les éléments permettant de préciser les motifs de ses décisions afin de lui permettre d’exercer son contrôle de légalité : c’est pourquoi, lorsque ces motifs sont de ceux qui pourraient être couverts par un secret garanti par la loi, comme le secret de la défense nationale,  il appartient à l’administration de faire connaître au juge, sans porter aucune atteinte, directe ou indirecte, à un tel secret, toutes indications de nature à permettre à celui-ci de vérifier à tout le mois que la décision litigieuse n’est pas entachée d’erreur de fait ou de droit, de détournement de pouvoir ou d’erreur manifeste d’appréciation.

Il va de soi que, comme dans la présente espèce, une administration qui s’abstiendrait de fournir le moindre élément d’appréciation en se bornant à s’abriter derrière le caractère non communicable de l’enquête administrative ayant conduit au retrait de l’habilitation défense du requérant, s’expose à l’annulation de cette décision, sans autre forme de procès. 

Occupation conventionnelle du domaine public. Résiliation motivée pour des motifs d’ordre public. Clubs sportifs.

> Lire le jugement N° 2201970 du 26 juin 2023

Contrairement à ce que l’on pourrait supposer à première vue, la résiliation de la convention d’occupation du domaine public n’a pas nécessairement à être motivée par un manquement direct de l’occupant à ses obligations contractuelles et en particulier, des motifs tirés de la protection de l’ordre public peuvent être avancés pour justifier une telle décision.

Telle est la position retenue par le tribunal administratif pour valider la décision prise par une commune de résilier la convention par laquelle elle avait mis son stade municipal à la disposition d’un club local de football eu égard aux pratiques habituelles de ce dernier, caractérisées par un manque structurel de respect de l’éthique du sport, des comportements brutaux et antisportifs de ses membres, et aux incidents émaillant systématiquement les rencontres avec d’autres clubs dont certains particulièrement graves.  

Contrats administratifs. Incidence d’une procédure collective touchant le cocontractant.

> Lire le jugement N° 2303032 du 4 juillet 2023 

Le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Rennes-Bretagne avait passé, avec l’un de ses prestataires, un marché public de lavage des draps et autres articles textiles de plusieurs cités universitaires de Brest, Quimper et Rennes. Les difficultés économiques de cette société ont toutefois conduit à l’ouverture d’une procédure collective de liquidation judiciaire alors qu’elle était encore en possession de près de 1500 pièces de linge non traité.

En dépit de ses démarches auprès du liquidateur judiciaire, le CROUS n’a pu obtenir la restitution de ces éléments au motif que les dispositions du code de commerce relatives aux procédures collectives de liquidation enferment dans un délai de trois mois à compter du jugement judiciaire d’ouverture, toute revendication de biens meubles.

Saisi au titre de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, le juge des référés administratifs a alors rappelé au liquidateur les règles exorbitantes du droit commun qui sont applicables en matière de contrat administratif en particulier lorsqu’il s’agissait d’ordonner au co-contractant d’assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que la mesure ainsi prescrite soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Relevant d’une part que le litige ne portait pas sur l’inscription d’une créance au passif de la société en liquidation et d’autre part que les pièces de linge litigieuses étaient, sans contestation possible, la propriété du CROUS et étaient affectées à sa mission de service public, le juge des référés a estimé urgent et utile d’ordonner au liquidateur de faire procéder à leur restitution dans un délai de deux semaines, assortissant au passage cette injonction d’une astreinte journalière de 100 euros.

Accès aux services publics. Transports scolaires.

> Lire le jugement N°  2103461 du 6 juillet 2023

L’autorité organisatrice en charge des transports scolaires est investie d’une mission de service public qu’elle poursuit dans le cadre des dispositions de l’article L. 3111-7 du code des transports.

Lorsqu’elles existent, les communautés d’agglomération sont regardées comme autorités organisatrices par le code général des collectivités territoriales et définissent donc, dans le périmètre géographique de leur action, les modalités selon lesquelles est assuré le service public des transports scolaires. Il s’agit d’un pouvoir réglementaire qui s’exerce sous le contrôle du juge, qui vérifie que les règles applicables en matière de service public sont respectées : égal accès ; adaptabilité aux besoins étant observé sur ce dernier point que le contrôle du juge s’exerce dans les limites de l’erreur manifeste d’appréciation.

Le tribunal administratif a été amené à se prononcer sur le refus opposé à des parents d’élève, par une communauté d’agglomération de créer, au seul bénéfice de leur enfant, d’un arrêt de transport scolaire situé à 4 kilomètres de l’arrêt existant le plus proche.

Après avoir validé la correcte application, en l’espèce, de la disposition du règlement de transport qui ne prévoyait la création obligatoire d’un tel arrêt qu’à condition de concerner au moins deux élèves et sous réserve de ne pas créer un allongement total de la durée du parcours global du véhicule de plus de cinq kilomètres (dépassé eu égard à la longueur du « crochet » aller-retour), le tribunal a écarté l’argumentaire tiré de la rupture d’égalité et n’a pas davantage estimé, eu égard aux coûts induits par un allongement du réseau au bénéfice d’un seul usager, que le refus opposé aux parents était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Actes administratifs. Compétence. Délégations de signature    

> Lire le jugement N°  2303864 du 21 juillet 2023

Il n’est pas inutile de rappeler qu’historiquement le premier motif d’annulation d’une décision administrative par le juge de l’excès de pouvoir a été l’incompétence de son auteur.

Aussi la possibilité pour une autorité administrative de déléguer à l’un de ses subordonnés la possibilité de signer les actes relevant de sa compétence est-elle contrôlée avec une attention soutenue par le juge qui vérifie qu’une telle délégation n’est pas générale (l’autorité délégante devant se réserver à titre exclusif au moins une partie de son domaine de compétence) qu’elle a été régulièrement publiée et que l’acte attaqué relève bien du périmètre délégué à l’autorité signataire.

Ces principes d’application courante sont bien connus des administrations et notamment des préfectures et les arrêtés de délégation sont désormais rédigés avec soin de manière à couvrir toutes les éventualités, en particulier pendant les périodes estivales, au cours desquelles certaines décisions doivent quelquefois signées par d’autres agents que ceux dont c’est la compétence habituelle.

Il arrive néanmoins que toutes les occurrences ne soient pas prévues et le jugement par lequel un arrêté mettant en demeure des gens du voyage d’évacuer un terrain municipal dans la commune de Carnac a été annulé pour incompétence en offre un exemple topique, le juge ayant examiné, pour les écarter successivement, toutes les possibilités de trouver un fondement légal à la signature de l’arrêté attaqué par la sous-préfète de l’arrondissement de Pontivy.     

 

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