► Lutte contre les algues vertes : l’État peut encore mieux faire…► Préjudice écologique résultant des algues vertes
• Lutte contre les algues vertes : l’Etat peut encore mieux faire…
Après avoir enjoint au préfet de la région Bretagne, par un précédent jugement du 4 juin 2021, de parfaire le dispositif régional de lutte contre la pollution aux algues vertes (6ème programme ou PAR 6), le tribunal administratif de Rennes qui était saisi tout à la fois, par une association de défense de l’environnement, d’une demande d’exécution de ce jugement, et par trois associations de défense des intérêts agricoles ou agroalimentaires, d’une demande d’annulation de l’arrêté du 18 novembre 2021 arrêtant, pour la période restant à courir, le programme intérimaire, a estimé encore insuffisantes les mesures prises à cet égard et a, en outre, censuré un vice de procédure commis à cette occasion.
Statuant sur la requête en exécution de l’association Eau & Rivières de Bretagne, le tribunal estime insuffisantes, bien qu’allant dans le bon sens, les mesures prises dans l’arrêté du 18 novembre 2021 pour exécuter les injonctions contenues dans son précédent jugement. D’abord, ces mesures n’apparaissent pas suffisamment exigeantes en ce qui concerne la définition des seuils de déclenchement des mesures correctrices, ni suffisamment contraignantes par l’effectivité des contrôles prévus, en l’absence, notamment, de baisse significative de la pression azotée admise sur les parcelles et de contrôles suivis d’effets adaptés aux enjeux. Ensuite, s’agissant de la mise en œuvre d’actions directement efficaces, l’arrêté se borne à prévoir la mise en place dans un premier temps d’outils d’information, de mesure et de surveillance et non la mise en œuvre immédiate d’actions directement efficaces et précisément définies, applicables de façon impérative et automatique dans l’hypothèse du dépassement de seuils critiques ou d’alerte.
Le tribunal a donc à nouveau enjoint au représentant de l’Etat d’agir par l’édiction de prescriptions particulières applicables sans délai aux exploitations agricoles, propres à garantir le respect de plafonds d’apport d’azote adaptés aux capacités d’absorption des cultures conformes aux préconisations scientifiques et permettant une réduction effective du phénomène d’eutrophisation à l’origine du développement des algues vertes.
Statuant sur la requête de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles de Bretagne, du syndicat Jeunes Agriculteurs de Bretagne et de l’Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne, le tribunal a constaté que l’arrêté du 18 novembre 2021 n’avait pas été précédé de la consultation, pourtant obligatoirement requise par le code de l’environnement, du conseil régional de Bretagne, de la chambre régionale d'agriculture et de l'agence de l'eau. Ce vice de procédure justifiait donc à lui seul l’annulation de cet arrêté, le tribunal n’ayant pas retenu l’argumentaire de fond soutenu par les organismes requérants, tenant au caractère illégal ou manifestement erroné des mesures imposées aux agriculteurs. Il a toutefois estimé qu’une annulation à effet immédiat et à portée rétroactive présenterait des inconvénients excessifs alors que l’arrêté approuvant le programme intérimaire, quoiqu’insuffisant, comme rappelé plus haut, a le mérite d’exister.
C’est pourquoi le tribunal a usé du pouvoir dont il dispose en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État et a décidé de différer de quatre mois les effets de l’annulation qu’il a prononcée, afin de permettre au préfet de régulariser, le cas échéant, la situation sans, dans l’intervalle, créer un préjudiciable vide juridique.
> lire les décisions n°2206278 & n°2202537
• Préjudice écologique résultant des algues vertes
Le tribunal administratif de Rennes condamne l’Etat à mettre en œuvre des mesures de réparation en nature des atteintes portées à la biodiversité de la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc.
Devant la persistance d’algues vertes sur le littoral des Côtes-d’Armor et particulièrement dans la Baie de Saint-Brieuc, l’association Sauvegarde du Trégor-Penthièvre-Goëlo, s’inscrivant dans une démarche prévue aux articles 1246 et suivants du code civil, a saisi le tribunal d’une action visant à faire condamner l’Etat à réparer le préjudice écologique résultant de sa carence fautive dans l’exercice de ses pouvoirs de conservation de la biodiversité présente dans la réserve naturelle de la Baie de Saint-Brieuc.
Se penchant sur l’action engagée par les services de l’Etat afin de limiter le développement des algues vertes en Bretagne, le tribunal a relevé, s’agissant tant du contrôle de l’activité agricole que de la protection de la biodiversité de la Baie de Saint-Brieuc, laquelle bénéficie du statut de réserve naturelle, qu’effectivement, en particulier dans l’exercice par le préfet des Côtes d’Armor de ses prérogatives en tant qu’autorité de police des installations classées pour la protection de l’environnement ou d’autorité en charge de la conservation du milieu naturel, les mesures adoptées pour réduire les dangers et inconvénients résultant de l’activité agricole dans la Baie de Saint-Brieuc avaient été insuffisantes, s’agissant notamment de la nécessité de réduire sensiblement les fuites d’azote agricole vers le milieu maritime, qui contribuent, comme on le sait désormais, à la persistance des marées vertes.
La loi privilégiant la réparation en nature du préjudice écologique, c’est logiquement que, à la demande de l’association requérante, le tribunal après avoir ciblé cette carence fautive, a enjoint au préfet des Côtes-d'Armor, de prévoir, dans un délai de quatre mois, des prescriptions, applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement à l’origine des émissions d’azote dans le milieu naturel, et de nature à limiter l’apport azoté total dû aux engrais aux besoins des cultures afin de permettre une réduction effective du phénomène d’eutrophisation, selon des seuils conformes aux préconisations scientifiques. Cette injonction est en outre complétée par celle de programmer un contrôle périodique de l’ensemble des exploitations agricoles situées sur le territoire de la réserve naturelle de la baie de Saint-Brieuc.
Par ailleurs, l’association Sauvegarde du Trégor-Penthièvre-Goëlo a obtenu le versement d’une indemnité symbolique en réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte aux intérêts écologiques qu’elle s’est donné pour objet statutaire de protéger.
> lire la décision n°2101565