Avril 2023 : les décisions marquantes

Jurisprudence
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► Economie. Protection du consommateur. Démarchage téléphonique ► Urbanisme et environnement. Permis de construire. Opposabilité du règlement sanitaire départemental► Environnement. Gestion de la ressource en eau. Police administrative spéciale

• Economie. Protection du consommateur. Démarchage téléphonique 

L’article L. 223-1 du code de la consommation réglemente strictement le démarchage téléphonique et, pour faire simple, en limite l’utilisation par les professionnels en direction des consommateurs qui n’ont pas fait la démarche de s’inscrire sur une liste d’opposition (dite Bloctel) à cette pratique, sauf le cas de la préexistence de relations contractuelles dans la continuité desquelles s’inscrirait ce démarchage. Mais la loi du 24 juillet 2020 est venue encore apporter une restriction en prohibant sous peine d’amende (et sous la même réserve contractuelle) tout démarchage téléphonique ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables.

Le tribunal administratif de Rennes a transmis au CE une QPC concernant cette disposition par une ordonnance du 25 octobre 2022

Le tribunal administratif de Rennes a été saisi, en référé, par une société relevant de ce secteur, d’une demande tendant à la suspension de la très lourde amende (350 000 euros) que lui avait infligée l’administration pour avoir organisé un véritable système visant à contourner de l’interdiction prévue et spécialement en direction de personnes qui avaient précisément fait la démarche de s’inscrire sur la liste Bloctel.

L’ordonnance, particulièrement motivée, qui a rejeté cette requête, rend compte, en particulier, des méthodes d’investigations très poussées des services de la répression des fraudes pour établir la matérialité et la qualification des manquements commis (communication des numéros appelés, accès à des informations bancaires, auditions…) et de la portée du contrôle exercé, en la matière, par le juge des référés qui a estimé, en l’espèce, qu’aucun doute sérieux n’affectait la légalité de la sanction contestée.   

> Lire l'ordonnance2301479 du 3 avril 2023

• Urbanisme et environnement. Permis de construire. Opposabilité du règlement sanitaire départemental

La légalité d’un permis de construire délivré en application du code de l’urbanisme, n’est, en principe, appréciée qu’au regard des seules règles qui figurent dans ce code ou de celles auxquelles il renvoie, notamment les règles de la planification locale (plans locaux d’urbanisme en particulier...)

Il est cependant admis de longue date que lorsque les dispositions du règlement sanitaire départemental (qui trouve sa source dans le code de la santé publique) fixent des règles d’occupation et d’utilisation des sols similaires à celles mentionnées à l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme relatives à l'utilisation des sols et à l'implantation constructions, le permis de construire doit les respecter : la jurisprudence a fréquemment l’occasion de mettre en œuvre cette solution dans le cas des bâtiments et installations agricoles qui combinent des préoccupations à la fois urbanistiques, sanitaires et environnementales.

C’est ici le respect d’une règle de distance minimale entre l’installation contestée (une stabulation de 769 m² pour bovins et la couverture d’une fumière) à moins de 50 mètres d’habitations qui a été sanctionnée par le tribunal qui a annulé le permis de construire contesté.

> Lire le jugement2005884 du 14 avril 2023

• Environnement. Gestion de la ressource en eau. Police administrative spéciale

Le code de l’environnement érige en règle essentielle relevant des pouvoirs publics, le principe de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et à côté du dispositif législatif et réglementaire qui est applicable sur l’ensemble du territoire national, il attribue aux préfets de départements le pouvoir de prendre, en fonction des circonstances locales, les mesures nécessaires afin de  faire face à une menace ou aux conséquences d'accidents , de sécheresse, d'inondations  ou à un risque de pénurie. Ces mesures sont généralement prises en application d’un règlement-cadre qui, dans chaque département, définit une sectorisation du territoire  et prévoit, en fonction des observations constatées dans des stations de référence permettant d’y mesurer le niveau de gravité de la situation de la ressource en eau (vigilance, alerte, alerte renforcée , crise) et d’édicter les mesures de restrictions ou d’interdiction d’usage de l’eau, visant en particulier diverses activités privées ou professionnelles (irrigation agricole, remplissage de plans d’eau et de piscines privées, golfs, pistes d’hippodromes, arrosages des espaces verts...).

L’Association Eau et Rivières de Bretagne a contesté les arrêtés cadres pris à cet égard, les 11 juin 2021 et 18 mars 2022 respectivement par les préfets d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan en soulignant, outre les critiques procédurales habituellement formulées en pareil cas, leur caractère insuffisamment protecteur de la ressource en eau.

Le tribunal après avoir, en particulier, relevé que la procédure n’avait pas à inclure la lourde évaluation environnementale, les arrêtés attaqués n’étant pas au nombre des plans et programmes visés par les textes réglementaires la rendant nécessaire (le jugement écartant au passage l’exception d’illégalité de ces textes) et validé le recours à une consultation du public par voie électronique plutôt que par l’organisation d’une enquête publique classique, a rejeté l’argumentation développée par l’association en estimant que le périmètre des activités concernées par les mesures de restriction, la définition des différents seuils d’application des mesures de restriction étaient, au regard des données relevées dans les différents sites de référence, proportionnées aux besoins alors estimés pour les périodes appréhendées, à la date de ces deux arrêtés, le tribunal ne pouvant se prononcer, de manière classique, qu’à cette date dans un contentieux d’excès de pouvoir.

Le tribunal a néanmoins, dans les deux cas, dû retenir le moyen formulé par l’association tiré de ce que le régime dérogatoire organisé ponctuellement par ces arrêtés en faveur de certains usagers en fonction de circonstances particulières ou d’exigences spécifiques et sous condition de disponibilité de la ressource, n’était pas conforme aux règles générales de la procédure administrative non contentieuse telles que prévues par le code des relations entre le public et l’administration :  les préfets avaient en effet cru devoir décider que le silence gardé pendant quatorze jours sur ces demandes de dérogation faisait naître une décision implicite de rejet alors que, n’étant pas habilités à édicter de telles règles procédurales, c’était, par défaut, un régime de décision implicite d’acceptation au terme d’un silence de deux mois qui était seul applicable.

C’est donc par un curieux paradoxe que l’action entreprise par l’association requérante a finalement conduit à un résultat peu compatible avec les intérêts qu’elle défend habituellement.  

> Lire les jugements2106324 et 2204605 du 20 avril 2023