► Environnement. Installations classées. Extensions d’élevages. Centrale d’enrobage. Usine de méthanisation
• Environnement. Installations classées.
Extensions d’élevages. Centrale d’enrobage. Usine de méthanisation
> Jugements n° 2104411 du 21 décembre 2023 ; 2101542 et 2002897 du 7 décembre 2023
> Jugements n° 2101752 du 7 décembre 2023 , n°2004687 du 21 décembre 2023
Les élevages (porcs, bovins, volailles…) sont regardés comme des installations classées pour la protection de l’environnement soumis à un régime de contrôle dont l’étendue varie en fonction de l’importance de l’exploitation et en particulier du nombre et des catégories d’animaux, de la nature des équipements destinés à les accueillir et des modalités de traitement des effluents (lisiers) résultant de cette activité, l’ensemble de ces éléments devant être appréciés au regard de leur impact sur l’environnement.
Le régime le plus sévère est celui de l’autorisation préalable qui suppose, en vue d’éclairer tant l’autorité environnementale amenée à prendre position, que le public qui doit être consulté au cours d’une enquête, la préparation d’un solide dossier comportant notamment une étude d’impact sérieuse des conséquences du projet sur l’environnement. Ce régime est notamment applicable aux projets dépassant certains seuils strictement définis dans la nomenclature réglementaire figurant dans le code de l’environnement. Des régimes moins exigeants, relevant plutôt de la déclaration sous contrôle, concernent, selon des procédés variés, les projets moins importants. Dans tous les cas, l’autorité administrative compétente, à savoir le préfet du département d’implantation, a le pouvoir d’imposer à l’exploitant des prescriptions spéciales au moment d’autoriser le projet ou le cas échéant, d’enregistrer la déclaration (il peut, aussi, avant un tel enregistrement soumettre au cas par cas le projet concerné à évaluation environnementale).
Toutefois, le fait d’avoir obtenu une autorisation environnementale pour la réalisation d’un projet d’installation classée ne dispense pas l’exploitant de toute formalité ultérieure notamment lorsqu’il entend étendre son activité ou lui apporter des modifications. En pareil cas, il lui appartient d’en informer le préfet et lorsque ces modifications présentent un caractère substantiel, c’est un nouveau dossier d’autorisation avec évaluation environnementale qui doit être monté.
Pour définir le régime applicable, le préfet doit alors tenir compte des modifications successives qui ont pu être apportées à l’installation ou au site sur lequel elle est exploitée afin de déterminer si celles-ci sont, par leur addition (en termes d’effets de seuil), ou par leur nature même ou leur localisation, impliquent de modifier l’appréciation qui avait été faite, lors de l’instruction de l’autorisation initiale, des dangers et inconvénients du projet sur l’environnement ou la santé humaine et des moyens de les limiter. En d’autres termes, l’exploitant n’a aucun droit acquis au bénéfice des appréciations portées, depuis la précédente autorisation, sur les modifications successives apportées aux conditions d’exploitation et non soumises à nouvelle autorisation.
Dans le premier des jugements ici commentés, le tribunal administratif était saisi du cas d’un élevage porcin implanté depuis 2001, dans une commune du Morbihan et qui, d’environ 2800 animaux à l’origine, avait pu s’accroitre, par arrêtés préfectoraux successifs (soit d’autorisation soit de simples prescriptions), à près de 3500, ensuite 4400, puis 8300 voire plus de 10 000 animaux, ces augmentations successives d’accompagnant évidemment d’extension des surfaces affectées à ces équipements. Les deux dernières extensions avaient été prévues, selon le régime seulement déclaratif, par des arrêtés préfectoraux de simples prescriptions des 5 juin 2019 (10 068 animaux) et 29 avril 2021 (10 266 animaux). C’est le second d’entre eux qui a fait l’objet d’un recours de la part d’une association de protection de l’environnement, laquelle en a obtenu l’annulation par le présent jugement du tribunal administratif.
Appréciant la situation de l’exploitation par rapport à celle qui résultait de la dernière autorisation (qui remontait à 2017), le tribunal a relevé que, par leurs effets cumulés, les modifications apportées depuis lors et celles envisagées par la dernière demande de l’exploitant, auraient dû conduire le préfet à orienter celle-ci sur le régime de l’autorisation.
En effet, d’une part, il a constaté qu’avait été franchi l’un des seuils de la nomenclature réglementaire concernant le nombre d’emplacements prévus pour les truies (les juges ayant refusé d’entrer dans la discussion sur le caractère effectif ou non de l’occupation de l’ensemble des emplacements, en fonction des pratiques les plus courantes, quoique non garanties, des éleveurs) et cela caractérisait déjà une modification substantielle.
En outre, les capacités de l’exploitation avaient considérablement augmenté et s’agissant en particulier du volume de la station de traitement du lisier qui passait de 13 000 à plus de 20 000 mètres cubes, avec création d’une lagune et d’une fosse aérienne non couverte. Or, le tribunal avait constaté que si le dossier autorisé en 2017 (qui portait déjà sur 8000 animaux) comportait certes déjà une évaluation environnementale et une étude d’impact, les éléments qui y figuraient n’étaient pas suffisants pour mesurer les effets de la nouvelle extension sur l’environnement, s’agissant du plan d’épandage, alors notamment que l’exploitation se trouvait à proximité d’un site Natura 2000 et d’une zone particulièrement protégée. Là encore, l’importance cumulée des modifications du projet était telle qu’il était nécessaire de reconsidérer l’impact d’ensemble de l’exploitation.
Le tribunal a donc annulé l’arrêté de 2021 à l’exception de l’article par lequel le préfet du Morbihan avait prévu l’abrogation de son précédent arrêté de 2019 : ce faisant, et le tribunal a entendu rétablir le cadre juridique résultant de l’autorisation de 2017 et, sans lui fermer la possibilité de prendre des mesures provisoires, engager le préfet à appréhender la situation de l’exploitation à partir de cette date.
(cf n° 2104411 du 21 décembre 2023)
C’est un raisonnement analogue qu’avait déjà suivi le tribunal dans les deux autres jugements commentés, rendus quinze jours plus tôt, annulant des arrêtés des préfets du Finistère et d’Ille-et-Vilaine.
Le premier cas concernait un élevage de volailles implanté sur deux sites d’une commune du Finistère et le second, un projet de fusion de deux élevages de vaches laitières dans une commune d’Ille-et-Vilaine.
Certes, dans aucun de ces deux cas, ce n’était le dépassement d’un seuil de la nomenclature réglementaire qui était pointé pour des élevages qui avaient déjà été autorisés.
Mais pour le premier, c’est le constat d’une augmentation, considérable en elle-même, du nombre de volailles supplémentaires (+ 77% sur les deux sites avec 151 500 animaux) avec un quasi doublement de la surface affectée qui a été déterminant ; pour le second, c’est essentiellement la localisation du projet, proche de très sensibles zones protégées et dans un secteur concerné par le plan d’action régional « nitrates », à proximité en outre d’autres élevages (porcins, volailles).
Ainsi, ces projets d’extension ne pouvaient, en l’état, être soumis à la seule formalité de la déclaration assortie de simples prescriptions : dans le cas des volailles finistériennes, c’est une nouvelle autorisation qui, là encore était requise, et dans le cas des vaches brétiliennes, le préfet aurait dû, à tout le moins, exiger préalablement une évaluation environnementale avant de procéder à l’enregistrement.
(cf n° 2101542 et 2002897 du 7 décembre 2023)
Les très lourdes contraintes procédurales pesant sur les porteurs de projet et la complexité de la législation applicable n’aboutissent pas toutes, loin s’en faut, à l’annulation, par la juridiction administrative, des décisions préfectorales prises en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement. Dans la plupart des cas, au contraire, le juge relève, au terme d’un examen approfondi des procédures et des projets qui lui sont soumis, que les critiques émises contre ces projets ne sont pas justifiées. iAinsi, au cours du même mois de décembre, le tribunal a-t-il validé, entre autres, les arrêtés par lesquels les préfets du Morbihan et d’Ille-et-Vilaine avaient enregistré pour le premier une unité de méthanisation à créer en prolongement de l’activité de plusieurs élevages porcins et bovins, et pour le second, une centrale d’enrobage à chaud et de broyage-concassage-criblage.
Dans les deux cas, le tribunal a relevé que l’importance, la nature et la localisation du projet ne justifiaient pas (à la différence des affaires ci-dessus) que l’enregistrement soit précédé d’une évaluation environnementale. Il a également vérifié, lorsqu’en était invoquée la méconnaissance, le respect des nombreuses règles entourant la composition du dossier, la consultation du public, l’expression des avis à recueillir. Il a enfin apprécié, dans le détail, la compatibilité des projets contestés avec des normes supérieures (plans nationaux de prévention des déchets, arrêtés ministériels, schémas directeurs, plans locaux d’urbanisme) ainsi que le caractère suffisant des mesures de protection et de précaution prises au regard du respect de l’environnement naturel et humain.
(cf n° 2101752 du 7 décembre 2023 et n°2004687 du 21 décembre 2023)