Février 2023 : les décisions marquantes

Jurisprudence
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► Fonction publique. Obligation de restitution du matériel de service► Urbanisme. Plans locaux d’urbanisme. Restrictions de constructibilité en zone urbaine► Environnement. Gestion des déchets et sous-produits animaux. Moules « sous-taille »

Fonction publique. Obligation de restitution du matériel de service

Pour curieux que cela puisse paraître, il a fallu, dans l’affaire ici commentée, en passer par le juge pour que soit rappelée cette évidence que le matériel électronique et téléphonique que certains agents publics se voient confier pour l’exercice de leurs fonctions est seulement mis temporairement à leur disposition et qu’il leur incombe non seulement de veiller à sa bonne conservation mais aussi de le restituer lorsqu’ils quittent ces fonctions.

La perte ou la dégradation du matériel par l’agent qui en avait la garde n’oblige cependant pas ce dernier à réparation du préjudice subi par l’administration si l’évènement même fautif, n’est pas dépourvu de tout lien avec le service et n’en est pas détachable.

Le refus catégorique par un agent, après avoir quitté ses fonctions, de restituer le matériel ne saurait cependant se rattacher à un fait de service et dans la présente affaire, il n’était donc pas sérieux, pour la requérante  de s’abriter derrière des prétextes fallacieux, tels le fait de l’avoir jeté un téléphone portable en déchetterie parce qu’il était hors d’usage ou d’avoir égaré une tablette lors d’un déménagement, pour expliquer le refus de les restituer et d’échapper à l’obligation de réparer le préjudice subi par la collectivité publique, dont l’évaluation s’est opérée néanmoins en tenant compte de la vétusté du matériel concerné. C’est donc seulement une réduction des sommes mises à sa charge qu’a pu obtenir cette fonctionnaire particulièrement indélicate.

> Lire le jugement1905917 du 24 février 2023

Urbanisme. Plans locaux d’urbanisme. Restrictions de constructibilité en zone urbaine

Même si les cadres législatifs restent encore contraignants notamment dans les communes littorales, il appartient toujours à l’autorité locale de définir les partis d’urbanisme qui, dans le secteur qu’il couvre, irriguent le plan local d’urbanisme à partir duquel vont être définies et réglementées les possibilités de construire dans les différentes zones du plan. Le Conseil d’Etat a ainsi déjà jugé, le 30 juin 2021 (Commune d’Avenières- Veyrins-Thuellin n° 437709) que les auteurs d’un plan local d’urbanisme pouvaient parfaitement, à partir du parti d’urbanisme qu’ils avaient retenu, délimiter, en dehors des zones de constructibilité limitée par la « loi littoral », d’autres zones urbaines où étaient interdites toutes constructions nouvelles.     

Dans ce jugement solidement motivé, le tribunal administratif de Rennes a fait une application particulière de cette solution dans le cas d’un plan local d’urbanisme intercommunal en validant le classement comme zones urbaines à constructibilité réduite, de parcelles d’une commune littorale qui n’étaient pourtant pas concernées par les règles restrictives issues de la loi littoral et dont l’application avait d’ailleurs, de surcroît, été éclairées par le schéma de cohérence territoriale en vigueur sur ce territoire.

> Lire le jugement2106366 du 21 février 2023

Environnement. Gestion des déchets et sous-produits animaux. Moules « sous-taille »

Les contraintes de calibrage des moules de Bouchot conditionnant l’appellation d’origine protégée dont bénéficie leur commercialisation, ont rapidement posé la question du sort des moules d’élevage trop petites pour y satisfaire (les moules « sous-taille » représentant 10 à 20% de la production globale). La pratique consistant, pour les conchyliculteurs à procéder à leur épandage dans certains secteurs du littoral, (comme dans la baie du Mont-Saint-Michel) a pu être présentée comme ayant l’avantage de canaliser la prédation par les oiseaux marins mais elle n’avait jusqu’en 2021 jamais été encadrée par l’autorité administrative jusqu’à ce qu’un arrêté du 8 juillet 2021 du préfet d’Ille-et-Vilaine ne vienne en définir  strictement les modalités en autorisant, dans cette baie emblématique, leur dépôt et leur dispersion par véhicules épandeurs identifiés, dans des zones définies sur les chemins d’accès à certaines concessions d’élevage.

Pour louable qu’ait été cette démarche, elle s’est heurtée à l’opposition catégorique des associations de défense de l’environnement et des milieux naturels qui ont obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Rennes la suspension de l’exécution de cet arrêté, par une ordonnance du 17 décembre 2021, au motif que ces moules sous-tailles constituaient des sous-produits animaux visés dans la nomenclature définie pour l’application du régime des installations classées pour la protection de l’environnement, dont, compte tenu des volumes concernés, le dépôt était soumis non à simple déclaration mais à une autorisation prise après évaluation environnementale. L’incidence pratique de cette suspension a été faible, la saison étant alors quasiment achevée.

L’année suivante, le préfet d’Ille-et-Vilaine qui avait effectivement engagé le processus d’évaluation environnementale, a cependant cru pouvoir parallèlement prendre, le 8 juillet 2022, un nouvel arrêté dans le cadre tout à faire différent d’un règlement européen du 21 octobre 2009 (adopté pour tirer les conséquences, quelques années après, de la crise de la « vache folle ») pour autorisé l’épandage des moules sous-taille, au titre des différentes modalités de traitement des sous-produits animaux définies par cette réglementation sanitaire. 

Après avoir été à nouveau suspendu par ordonnance de référé du 21 septembre 2022, cet arrêté a été annulé au fond, par jugement du 10 février 2023 qui a, dans un premier temps, constaté que le dispositif d’épandage ainsi autorisé, qui déroge à un traitement de ces sous-produits animaux relevant normalement de l’incinération ou de l’enfouissement, n’avait pas été pris après avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, comme prévu par le règlement ni que les bénéficiaires de l’autorisation étaient titulaires de l’agrément sanitaire également requis en pareil cas alors en outre que se posait également un sérieux problème de compétence, une telle autorisation ne pouvant être accordée qu’au niveau ministériel.

En outre, le tribunal a rappelé que le fait de s’inscrire dans le cadre de la réglementation sanitaire européenne ne dispensait pas, pour autant, l’autorité administrative de respecter les règles relatives à la protection de l’environnement, et accessoirement, celles qui gouvernent l’utilisation du domaine public maritime. S’agissant de l’aspect environnemental, la législation relative aux installations classées impliquait ainsi toujours la réalisation de l’évaluation environnementale dont l’absence était patente à la date de l’arrêté litigieux, sans omettre celle d’une enquête publique ni la consultation de l’autorité environnementale et des collectivités intéressées. De même, avait été également omise la consultation de la commission des cultures marines qui veille au respect par les bénéficiaires de concessions de culture sur le domaine public maritime, des obligations issues tant du code de la propriété des personnes publiques que du schéma régional des structures et exploitations de cultures marines.

Pointant ainsi les différentes illégalités affectant l’arrêté litigieux, l’annulation de ce dernier était certaine mais ce jugement a désormais le mérite de définir un cadre plus clair et plus rigoureux permettant aux autorités compétentes de mieux tenir compte des nombreuses problématiques à l’œuvre en la matière afin d’en respecter les différentes contraintes procédurales.

> Lire le jugement2204173 du 10 février 2023