Janvier 2022 : Les décisions marquantes

Jurisprudence
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► Urbanisme et environnement : Plan local d’urbanisme - Classement de parcelles - Détournement de pouvoir ► Urbanisme. Contentieux

• Urbanisme et environnement : Plan local d’urbanisme. Classement de parcelles. Détournement de pouvoir

> Lire la décision N°1905685 du 14 janvier 2022

Cette affaire offre un assez rare exemple d’annulation pour détournement de pouvoir de la révision d’un plan local d’urbanisme. Le classement des parcelles en zones constructibles ou en zones naturelles doit s’inscrire normalement dans le cadre d’une procédure complexe comportant de nombreuses consultations ainsi qu’une enquête publique, en cohérence avec le parti d’urbanisme retenu par les auteurs du plan qui doit toujours répondre à des considérations d’intérêt général et c’est également le cas s’agissant des procédures de révision qui aboutissent à modifier le zonage antérieur.

Dans le cas d’espèce, alors que le projet de révision tel qu’il était soumis à enquête proposait de maintenir inconstructible un ensemble de trois parcelles non bâties situées en zone naturelle, il ressortait du  plan finalement approuvé après enquête qu’une partie de cet ensemble était désormais classée en zone constructible.  Or, il a pu être établi que l’emprise de ces terrains correspondait exactement à celle d’un projet immobilier qui avait été précédemment rejeté et que le nouveau classement rendait désormais possible ce qui a conduit le tribunal, faute de toute autre considération d’intérêt général susceptible de justifier ce changement, à censurer sur ce point la délibération approuvant la révision.   

• Urbanisme. Contentieux

> Lire la décision N°2101076 du 28 janvier 2022

Ce jugement constitue un remarquable concentré de la mise en œuvre par le juge administratif de plusieurs règles contentieuses et de méthodes de raisonnement propres au contentieux de l’urbanisme dont les règles sont, à bien des égards, dérogatoires par rapport aux principes de procédure applicables en matière d’excès de pouvoir.

Pour annuler, à la demande d’un propriétaire voisin, le permis d’aménager délivré par le maire pour la réalisation d’un lotissement, dans le cadre des dispositions d’un plan local d’urbanisme intercommunal, il a notamment fait application de trois dispositions très particulières de procédure du code de l’urbanisme et il a également déroulé un raisonnement spécifique à la contestation, sous l’angle de l’urbanisme réglementaire, de la base légale des permis.  

D’abord, et alors qu’en contentieux général, l’intérêt pour agir en annulation d’une décision administrative s’est peu à peu ouvert au fil du temps, le phénomène inverse s’est produit en contentieux de l’urbanisme : l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme restreint ainsi considérablement l’intérêt pour les tiers à contester un permis de construire devant le juge administratif. La qualité de voisin du projet ne suffit pas forcément et il convient aussi de justifier de ce que la construction projetée affecte directement la jouissance de son bien. Tel était cependant bien le cas en l’espèce.

L’article R. 600-5 du code de l’urbanisme limite ensuite dans le temps la possibilité pour un requérant de produire de nouveaux moyens d’annulation une fois qu’il a saisi le tribunal : deux mois après la communication aux parties du premier mémoire en défense, le périmètre du litige devient intangible par l’effet de ce qu’il est convenu de désigner comme la « cristallisation des moyens », qui découle directement de l’application du texte et non, comme en droit commun, d’une initiative du magistrat rapporteur. En l’espèce, le tribunal a vérifié que l’un des moyens qu’il avait l’intention de retenir n’encourait pas cette tardiveté qui lui était opposée en défense.

L’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme oblige enfin le juge administratif, par dérogation au principe d’économie des moyens (qui lui permet en règle générale de ne motiver un jugement d’annulation qu’en retenant le moyen qui lui paraît le plus pertinent) de désigner explicitement l’ensemble des moyens entraînant l’annulation du permis attaqué, cette analyse exhaustive se traduisant par la mention globale, en fin de jugement de ce qu’aucun des autres moyens n’est susceptible d’aboutir à ce résultat. Le présent jugement a ici retenu deux moyens d’annulation et indiqué par conséquent, qu’il n’y en avait pas d’autre.

Au fond, si le premier moyen d’annulation retenu était une méconnaissance directe, par le permis attaqué d’une disposition du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) relative à la vocation particulière du secteur d’implantation du projet, le second moyen a appelé une réponse beaucoup plus complexe :  il consistait en effet en une contestation du classement, par le PLUI lui-même, de la parcelle d’emprise du projet en zone constructible alors que le schéma de cohérence territoriale (SCOT) qui couvre un territoire plus large que le plan,  y limitait au contraire l’urbanisation. Certes, et c’est encore une particularité du contentieux de l’urbanisme, le juge administratif se borne à n’exercer qu’un contrôle de compatibilité du premier par rapport aux orientations définies par le second mais il reste qu’en l’espèce, le tribunal a bien admis que le PLUI n’était pas compatible, sur ce secteur, avec le SCOT applicable.

Il l’a donc écarté. Mais, et c’est encore une originalité du contentieux de l’urbanisme, il a alors été amené à exhumer successivement les différents plans adoptés antérieurement en tenant un raisonnement identique, puisque tant le précédent plan local d’urbanisme de la commune, que son plan d’occupation des sols encore antérieur, avaient pareillement classé le terrain en zone constructible et se trouvaient donc tout aussi incompatibles sur ce point avec les orientations du SCOT. Aucun document d’urbanisme n’étant donc opposable à la date du permis, le tribunal s’est donc tourné vers le règlement national d’urbanisme pour faire prévaloir la règle de constructibilité limitée aux parties actuellement urbanisées d’une commune, telle qu’énoncée à l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme et qui fondait, elle aussi, l’annulation du permis attaqué.