► Contentieux fiscal. Rescrit fiscal ► Urbanisme. Permis d’aménager. Intérêt à agir d’une commune voisine ► Urbanisme. Droit de préemption. Responsabilité
• Contentieux fiscal. Rescrit fiscal
> Lire le jugement N° 1905986 du 9 mars 2022
Le contentieux fiscal constitue essentiellement un contentieux de pleine juridiction dans le cadre duquel le juge administratif agit directement sur la détermination des sommes dues par les contribuables en application de la loi fiscale : à travers la vérification de la procédure, celle des bases d’imposition ou le calcul de l’impôt, il peut ainsi être amené à prononcer lui-même la décharge totale ou partielle des impositions en litige, ou la rectification des bases d’imposition.
Il est plus rare que son office soit celui du juge de l’excès de pouvoir, c’est-à-dire le contrôle de la légalité d’une décision de l’administration fiscale. C’est le cas du contentieux des agréments fiscaux et des remises gracieuses mais plus rare encore est le cas de la contestation des rescrits fiscaux.
Un rescrit fiscal est une prise de position formelle de l’administration sur une situation de fait au regard d’un texte fiscal en réponse à une demande présentée par un contribuable (L. 80 B et C du livre des procédures fiscales) avant même tout contentieux. Dans une décision du 2 décembre 2016, le Conseil d’État a estimé qu’eu égard aux effets qu’elle est susceptible d’avoir pour le contribuable et le cas échéant pour les tiers intéressés, cette prise de position constitue une décision qui, en principe, et compte tenu de la possibilité d’un recours de pleine juridiction devant le juge de l’impôt au moment de la contestation de l’imposition ultérieure, ne peut être directement attaquée en excès de pouvoir.
Il a toutefois ajouté que cette voie de droit est ouverte lorsque la prise de position de l'administration, à supposer que le contribuable s'y conforme, entraînerait des effets notables autres que fiscaux et qu'ainsi, la voie du recours de plein contentieux devant le juge de l'impôt ne lui permettrait pas d'obtenir un résultat équivalent. Il en va ainsi, notamment, lorsque le fait de se conformer à la prise de position de l'administration aurait pour effet, en pratique, de faire peser sur le contribuable de lourdes sujétions, de le pénaliser significativement sur le plan économique ou encore de le faire renoncer à un projet important pour lui ou de l'amener à modifier substantiellement un tel projet.
Le tribunal administratif de Rennes a ainsi été saisi en excès de pouvoir de la contestation d’un rescrit fiscal qu’avait obtenu une communauté de communes qui souhaitait vérifier, avant tout contentieux fiscal, si les activités du centre aquatique qu’elle entendait créer seraient ou non soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Les conséquences de la réponse de l’administration (principe d’assujettissement) étant particulièrement importantes, c’est implicitement que le tribunal administratif a estimé que la requête en annulation d’un tel rescrit était recevable.
Au fond, il a donc, au prix d’un rappel exhaustif du cadre juridique dans lequel devait se positionner l’administration, notamment au regard de la notion de distorsion de concurrence, estimé que la prise de position en faveur de l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée était entachée d’une erreur de droit : il a donc annulé la décision de rescrit.
• Urbanisme. Permis d’aménager. Intérêt à agir d’une commune voisine
> Lire le jugement N° 2002344 du 9 mars 2022
Le législateur et la jurisprudence se montrent de plus en plus restrictifs lorsqu’il s’agit d’apprécier la recevabilité, en termes d’intérêt à agir, des requêtes dirigées par des tiers contre les permis d’aménager et permis de construire.
Le tribunal administratif de Rennes a ainsi dénié cet intérêt à agir pour une commune voisine de celle dans laquelle avait été accordé un permis d’aménager une zone commerciale et de services en écartant les différentes considérations liées à l’impact économique et commercial de ce projet sur sa propre situation, dès lors que l’intérêt à agir ne s’apprécie qu’en termes purement urbanistiques.
• Urbanisme. Droit de préemption. Responsabilité
> Lire le jugement N° 2003111 du 21 mars 2022
Si l’exercice du droit de préemption permet à une collectivité publique de se substituer à l’acquéreur d’un bien immobilier situé dans une zone couverte par cette prérogative (ainsi en est-il, le plus souvent, du droit de préemption urbain exercé dans les communes ou communautés de communes dotées d’un plan local d’urbanisme), il arrive que sur contestation du candidat acquéreur ainsi évincé, le juge administratif prononce l’annulation de la décision de préemption.
Les conséquences d’une telle annulation ne sont cependant pas aisées à tirer lorsque le projet immobilier a été compromis par l’irruption de la collectivité préemptrice et qu’il convient de le remettre en route, ce qui n’est pas toujours possible. C’est alors sur le terrain indemnitaire que le juge administratif est amené, s’il est à nouveau saisi, à réparer le cas échéant les conséquences dommageables directement imputables aux vices qui ont justifié l’annulation de la préemption, toutes les irrégularités n’étant pas, par suite, de nature à permettre une indemnisation.
Dans la présente affaire, l’incompétence de l’auteur de la préemption (le maire au lieu du président de la communauté de communes) était le seul vice qui avait été retenu mais il apparaissait que la préemption aurait pu être exercée légalement par la communauté de communes et le tribunal a donc estimé que, dans ces conditions, cette faute n’ouvrait pas droit à réparation.
Il a toutefois également relevé que la commune avait particulièrement tardé, en exécution du jugement d’annulation, à rétablir la situation prévalant avant l’exercice illégal du droit de préemption et, à l’issue d’une analyse rigoureuse des différents chefs de préjudice invoqués par les requérants qui avaient finalement pu mener à bien leur projet, il a accepté de leur accorder une réparation mesurée.