► Fonction publique. Détachements► Urbanisme. Retrait d’un permis tacite accordé. Décisions administratives de sursis à statuer► Urbanisme. Réalisation de travaux sans autorisation. Arrêté interruptif de travaux
•Fonction publique. Détachements
Dans une fonction publique encore largement organisée en corps (fonction publique d’État) et en cadres d’emplois (fonctions publiques territoriale et hospitalière) le détachement constitue l’une des manières les plus fréquentes, pour un fonctionnaire, de se ménager des périodes durant lesquelles, affecté dans d’autres fonctions auprès d’un autre employeur public, il pourra diversifier son parcours professionnel sans perdre les acquis de sa carrière passée.
Afin de favoriser la mobilité dans le secteur public, le législateur a, dès une loi du 3 août 2009, décidé que seuls des motifs tirés des nécessités de service ou d’incompatibilités de nature déontologique, pouvaient être opposés par son service d’origine à un fonctionnaire pour faire échec à sa demande de détachement auprès d’un autre employeur public ayant donné son accord. Tout au plus peut-il retarder d’au maximum trois mois la prise d’effet du détachement (article 14 bis de la loi statutaire du 13 juillet 1983 modifiée en ce sens en 2009 et codifié depuis le 1er mars 2022 à l’article L. 511-3 du code général de la fonction publique).
Le tribunal administratif a été amené à estimer que cette règle simple primait sur le motif qu’une importante administration d’État a persisté à opposer à plusieurs reprises à la demande de détachement d’une de ses fonctionnaires dans le cadre d’emplois des attachés territoriaux, un motif tiré, sans autre précision, de ce que ce cadre d’emplois et le corps d’origine n’étaient pas comparables. Il a ainsi annulé ce refus dont il n’était pas prouvé qu’il était justifié par des nécessités de service et a adressé une sévère injonction sous astreinte à l’administration récalcitrante.
A l’autre extrémité du spectre, et tel était l’objet du second jugement ici commenté, lorsqu’un fonctionnaire est détaché dans un emploi fonctionnel de haut niveau de responsabilité, notamment parmi les emplois de directeur des services dans les collectivités territoriales, la garantie de conserver un emploi pendant toute la durée initialement prévue pour le détachement n’est jamais absolue et la seule rupture de la relation de confiance entre un tel agent et les élus peut suffire à justifier qu’il soit mis fin, avant terme, au détachement.
> Lire le jugement n° 2001023 du 4 novembre 2022
> et le jugement 2200679 du 10 novembre 2022
• Urbanisme. Retrait d’un permis tacite accordé. Décisions administratives de sursis à statuer
L’article L. 424-2 du code de l’urbanisme prévoit que si l’administration compétente n’a pris aucune décision pendant le délai d’instruction qu’elle a notifié à l’auteur d’une demande de permis de construire ou de permis d’aménager, ce permis est tacitement accordé. Mais l’article L. 424-5 ajoute aussitôt que ce permis peut, s’il est illégal, être retiré dans les trois mois qui suivent ce qui doit donc dissuader de toute précipitation le bénéficiaire d’une autorisation tacite.
Il faut en outre également se méfier des demandes présentées alors que la commune ou l’intercommunalité ont lancé une procédure d’élaboration ou de révision d’un plan local d’urbanisme car alors la légalité du permis tacite risque d’être appréciée au regard du risque de compromettre ou de rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan à condition toutefois, et notamment, que l’état d’avancement de ce document soit suffisant.
En l’espèce, un propriétaire qui se trouvait, en l’absence de réponse du maire de la commune, détenteur d’un permis tacite d’aménager pour la création d’un lotissement, a eu la surprise de se voir opposer par le même arrêté, une décision retirant ce permis tacite et une décision de sursis à statuer sur cette demande.
Peu après, il avait déposé une demande de permis de construire deux maisons individuelles sur la même parcelle et le maire lui avait alors directement opposé un sursis à statuer.
Saisi par le propriétaire, le tribunal administratif a rappelé que même si la possibilité de retirer une autorisation tacite d’urbanisme est prévue par la loi, elle obéit néanmoins aux règles générales de forme et de procédure applicables à toute décision administrative de retrait, telles que prévues par le code des relations entre le public et l’administration et en particulier l’exigence d’une procédure contradictoire. Il a constaté que tel n’avait pas été le cas dans cette affaire et qu’en outre, la commune ne se trouvait pas dans une situation de compétence liée (c’est-à-dire privée de tout pouvoir d’appréciation pour prendre une telle décision) ce qui lui aurait permis de neutraliser ce vice de procédure.
En outre, le tribunal a relevé que le permis tacite ne pouvait, à la date à laquelle il était réputé intervenu, être considéré comme illégal car l’appréciation du risque de compromettre l’exécution du futur plan n’avait été portée qu’au regard d’un objectif énoncé dans le schéma de cohérence territoriale : or, le fait que cet objectif devait sans doute être pris en compte dans le futur plan, ne suffisait pas à justifier de ce que l’état d’avancement de ce dernier était suffisant pour ouvrir la voie à la possibilité d’opposer un sursis à statuer.
Pour ces deux motifs, par conséquent, la première décision attaquée devait être annulée.
Victoire sans lendemain toutefois, car la seconde décision opposant un sursis à statuer sur la demande de permis était bien postérieure à la première : entretemps, le projet de révision générale du plan local d’urbanisme de la commune avait considérablement avancé et cette fois, il comportait, notamment dans ses orientations d’aménagement et de programmation, des indications suffisamment précises en termes de densité minimale d’occupation, pour que le projet en litige, de trop faible densité, soit regardé comme justifiant légalement une décision de sursis à statuer.
> Lire le jugement n° 2005661-2101912 du 14 novembre 2022
• Urbanisme. Réalisation de travaux sans autorisation. Arrêté interruptif de travaux
Les infractions aux règles d’urbanisme qui gouvernent la réalisation de travaux d’aménagement et de construction sont pénalement poursuivies dans les conditions énoncées aux articles L. 480-1 et suivants du code de l’urbanisme qui décrivent également les modalités de constatations des infractions, par procès-verbaux établis, le plus souvent, par le maire ou ses agents assermentés.
Il n’est pas rare, au demeurant, que l’engagement de cette procédure soit accompagnée d’un arrêté du maire ordonnant l’interruption des travaux en cours puis, le cas échéant et en particulier dans le cas de travaux réalisés sans aucune autorisation, d’une mise en demeure de remettre les lieux en leur état d’origine. Ces arrêtés étant détachables de la procédure pénale, leur légalité relève donc de la compétence des juridictions administratives.
Le jugement ici constitue une illustration intéressante de cette prérogative, étant observé, ce qui est souvent méconnu, que lorsque le maire en use, c’est en qualité de représentant de l’Etat, investi d’une mission de police judiciaire pour la poursuite des infractions, et non comme organe de la commune. L’instance ne met donc, théoriquement en présence, que le destinataire de l’arrêté interruptif de travaux et le représentant de l’Etat dans le département, c’est-à-dire le préfet. Si, en l’espèce, seule la commune a présenté des observations au soutien des arrêtés attaqués, elle a été seulement regardée comme intervenante et non comme une véritable partie en défense.
Au fond, il s’agissait de travaux de terrassement impliquant en outre l’abattage d’arbres dans un espace défini, par le plan local d’urbanisme applicable, comme d’intérêt écologique et l’opération, réalisée en dehors de toute autorisation, était radicalement irrégulière ce qui a justifié successivement l’édiction d’un arrêté interruptif de travaux puis d’une mise en demeure de remettre les lieux en état sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Ces deux mesures ont ainsi été regardées comme parfaitement légales par le tribunal administratif.
> Lire le jugement n° 22100266-2103678 du 28 novembre 2022