► Urbanisme. Transfert dans le domaine public de voies privées ouvertes à la circulation publique► Enseignement. Instruction dérogatoire à domicile ► Economie. Protection du consommateur. Démarchage téléphonique ► Environnement. Gestion de la ressource en eau. Police administrative spéciale
• Urbanisme. Transfert dans le domaine public de voies privées ouvertes à la circulation publique
On connaît assez peu ce mode particulier d’expropriation qui est prévu par les dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme : ce texte ne vise, il est vrai, que les voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations et dans des zones d’activités ou commerciales. La décision de transfert est prise, après enquête publique, par le conseil municipal de la commune dans laquelle se trouve cette voie, sauf si les propriétaires de la voie ont manifesté leur opposition auquel cas c’est le préfet qui prononce le transfert de propriété. Cette décision emporte automatique classement dans le domaine public. Il convient en outre de noter que cette expropriation ne donne lieu à aucune indemnisation, et cette particularité a été validée par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-43 QPC du 6 octobre 2010).
Si la jurisprudence relative à la mise en œuvre de cette faculté montre que le juge administratif vérifie scrupuleusement le respect des conditions de forme et de procédure énoncées par ces dispositions, elle n’exerce sur les motifs de fond qu’un contrôle limité à la vérification de ce que, dans les faits, la voie privée est bien ouverte à la circulation publique, condition d’usage qui permet à l’autorité publique de justifier l’incorporation dans la voirie publique par la nécessité d’appliquer à cette voie un régime cohérent de droit public libéré de l’aléa qui pourrait résulter de décisions ultérieures des propriétaires d’en restreindre l’usage public.
L’affaire présentée ici donne une illustration intéressante de la mise en œuvre de ce régime.
> Lire le jugement n° 2000876 du 10 octobre 2022
•Enseignement. Instruction dérogatoire à domicile
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a modifié le régime de l’instruction en famille à compter de la rentrée scolaire 2022 : au régime purement déclaratif prévalant auparavant, cette possibilité de déroger au principe de l’instruction en établissement d’enseignement (public ou privé) est désormais subordonnée à un régime d’autorisation préalable prévu aux articles L. 131-2 et L.131-5 du code de l’éducation.
Pour obtenir une telle dérogation de la part du recteur de l’académie, les parents doivent justifier de motifs tirés de l'état de santé ou d’un handicap de l'enfant, ou de la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ou de l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public. Mais le législateur a également ajouté un dernier motif permettant d’obtenir la dérogation et lié à « l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans ce cas, la demande d'autorisation comporte une présentation écrite du projet éducatif, l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française ainsi que les pièces justifiant de la capacité à assurer l'instruction en famille ». Cet article L.131-5, 4° du code de l’éducation renvoyait au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions de mise en œuvre de cette disposition.
Mais l’interprétation de ce dispositif, et notamment la définition de la « situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif », a été, dès avant la promulgation de la loi, orientée par le Conseil constitutionnel qui dans sa décision du 13 août 2021, avait pris soin de préciser que le but à rechercher par l'autorité administrative était seulement de s’assurer que le projet d'instruction en famille comporte les éléments essentiels de l'enseignement et de la pédagogie adaptés aux capacités et au rythme d'apprentissage de l'enfant, ces critères s’imposant aussi au pouvoir réglementaire pour déterminer les modalités de délivrance de l'autorisation d'instruction en famille. Les articles R.131-11-1 et suivants du code de l’éducation ont énuméré les éléments du dossier à constituer par les parents à l’appui de leur demande de dérogation pour l’instruction à domicile de leur(s) enfant(s) en particulier la présentation de leur projet éducatif et tous les justificatifs de leurs capacités à assurer une telle instruction.
Les autorités académiques compétentes lorsqu’elles sont saisies d’une demande de dérogation fondée sur cette disposition n’ont pas à formuler d’autres exigences que celles-ci et n’ont donc à porter leur contrôle ni sur l’existence d’une situation propre à l’enfant, celle-ci étant nécessairement présumée par la présentation de la demande de dérogation assortie d’un projet pédagogique, ni sur la cohérence, a priori, de ce projet avec les spécificités du profil de l’enfant, ce contrôle ne pouvant être exercé que dans le cadre des vérifications de niveaux opérées a posteriori par les services de l’inspection académique.
Le tribunal administratif de Rennes a été amené à rappeler ces règles d’interprétation dans les nombreux cas de refus de dérogation opposés aux familles l’ayant saisi et, comme dans l’affaire ici présentée, a annulé ces derniers pour erreur de droit, et enjoint au recteur d’accorder aux parents cette dérogation.
> Lire le jugement n° 2203669 du 10 octobre 2022
• Economie. Protection du consommateur. Démarchage téléphonique
L’article L. 223-1 du code de la consommation réglemente strictement le démarchage téléphonique et, pour faire simple, en limite l’utilisation par les professionnels en direction des consommateurs qui n’ont pas fait la démarche de s’inscrire sur une liste d’opposition à cette pratique, sauf le cas de la préexistence de relations contractuelles dans la continuité desquelles s’inscrirait ce démarchage. Mais la loi du 24 juillet 2020 est venue encore apporter une restriction en prohibant sous peine d’amende (et sous la même réserve contractuelle) tout démarchage téléphonique ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables.
Le tribunal administratif de Rennes a été saisi par une société relevant de ce secteur, d’une contestation de l’amende que lui avait infligée l’administration pour une méconnaissance de cette interdiction et sur la demande de la requérante, qui se prévalait de la méconnaissance tant du principe d’égalité devant la loi que de la liberté d’entreprendre, il a transmis au Conseil d’Etat, comme non dépourvue de caractère sérieux, la question prioritaire de constitutionnalité qui était ainsi posée devant lui. Il revient donc à ce dernier de se prononcer, comme « second filtre » de cette procédure, sur l’éventualité d’une transmission de cette QPC au Conseil constitutionnel.
> Lire l'ordonnance QPC n° 2106470 du 25 octobre 2022
• Environnement. Gestion de la ressource en eau. Police administrative spéciale
Le code de l’environnement érige en règle essentielle relevant des pouvoirs publics, le principe de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau et à côté du dispositif législatif et réglementaire qui est applicable sur l’ensemble du territoire national, il attribue aux préfets de départements le pouvoir de prendre, en fonction des circonstances locales, les mesures nécessaires afin de faire face à une menace ou aux conséquences d'accidents , de sécheresse, d'inondations ou à un risque de pénurie.
La sécheresse qui sévit sur le territoire national n’a pas épargné la Bretagne et chacun des 4 préfets en a tiré les conséquences en définissant une sectorisation du territoire dans lesquels, en fonction des observations constatées dans des stations de référence permettant d’y mesurer le niveau de gravité de la situation de la ressource en eau (vigilance, alerte, alerte renforcée , crise) serait mis en oeuvre un régime plus ou moins restrictif d’usage de l’eau, visant en particulier diverses activités privées ou professionnelles (irrigation agricole, remplissage de plans d’eau et de piscines privées, golfs, pistes d’hippodromes, arrosages des espaces verts...). Comme toutes les mesures de police, ces restrictions sont susceptibles, lorsqu’elles portent atteinte à une liberté publique, de donner lieu à une contestation devant le juge administratif.
Saisi par plusieurs sociétés de lavage de véhicule de requêtes fondées sur la liberté d’entreprendre et dirigées contre les arrêtés pris dans ce cadre, par les préfets du ressort, et qui avaient limité assez drastiquement il est vrai, leur activité jusqu’au 30 novembre, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, au terme d’une analyse approfondie de la situation, rejeté l’ensemble de ces demandes.
Dans l’exemple ci-joint, concernant l’arrêté pris dans le département d’Ille-et-Vilaine, il a rappelé que la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau impliquait de satisfaire en priorité, aux termes même de la loi, les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Ainsi, face à une menace de sécheresse ou à un risque de pénurie de la ressource en eau eu égard aux conditions climatiques, et en particulier au déficit pluviométrique constaté dans le département depuis le début de l’année, étaient pleinement justifiées les mesures contraignantes édictées par ces arrêtés dont il n’était pas établi, eu égard à la situation à la date de l’ordonnance et sur laquelle le juge des référés donne des précisions circonstanciées, qu’elles pouvaient être moindres au regard en outre de l’importante consommation que représente l’activité des 150 stations de lavage du département.
> Lire l'ordonnance N° 2205084 du 27 octobre 2022